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Quai Voltaire, coupe du collecteur des quais, 1899 (Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d’Orsay)/ Hervé Lewandowski)

De nos jours, il suffit de pousser un bouton, de vider un évier ou encore d’ouvrir une bonde pour être débarrassé des eaux que nous avons souillées. Tout se passe comme si elles disparaissaient de nos esprits au moment même où elles sortaient de nos maisons. Mais, ce qui nous paraît relever d’une « magie ordinaire » est pourtant le fruit d’une évolution des consciences et des techniques à travers les siècles.

Du « tout à la rue » au « tout à l’égout »

Si, au VIème siècle avant JC, Rome était déjà pourvu d’un grand collecteur récupérant les eaux usées de la ville pour les jeter dans le Tibre, cette construction resta malheureusement une exception historique qui ne fût pas amenée à se généraliser.

En effet, dès le Moyen-Âge, les systèmes d’évacuation des eaux sales mis au point par les Romains, ne sont plus utilisés. Conséquence de cet abandon, la mode du « tout à la rue » commence à se démocratiser dans les grandes villes, entraînant insalubrité, épidémies et pestilences. C’est, par ailleurs, cette absence d’évacuation des eaux usées qui favorisa la transmission du bacille de la Peste en 1348, causant la mort de près d’1/3 de la population française.

Si les grandes épidémies firent des ravages sans pareil, elles eurent paradoxalement l’avantage de faire avancer considérablement les progrès en assainissement. Ainsi la peste de 1530 réglementa le nettoyage des rues et imposa dans chaque maison la construction d’une « fosse à retrait ». Et l’épidémie de choléra de 1832 poussa le préfet de police parisien de l’époque à prendre des mesures draconiennes pour stopper l’insalubrité.

C’est en 1854 que l’ingénieur hydrologue Eugène Belgrand, sous les ordres du Préfet Haussmann, mis en place un réseau d’égouts pour acheminer les effluents vers la Seine en aval. En 1894, la réglementation en vigueur contraignit les immeubles parisiens à déverser eaux pluviales et usées dans les canalisations nouvellement créées. Celles-ci se chargeant alors de les transporter, dans un réseau dit « unitaire », jusqu’à l’aval de la Seine. Le tout-à-l’égout était né.

Épurer les eaux

Avancée remarquable pour l’assainissement dans la capitale, les travaux d’Eugène Belgrand eurent néanmoins pour revers de déplacer la pollution dans le Nord-Ouest parisien. Conscients de cette nécessité d’épurer les eaux avant de les rendre au milieu naturel, les ingénieurs Mille et Durand-Claye entreprirent des essais d’épandage des eaux usées dans les plaines agricoles aux alentours d’Asnières et de Gennevilliers.

Économiquement très rentables, ces premières expériences d’épuration biologique furent couronnées de succès.  En effet, selon les deux ingénieurs, « une tonne d’eau d’égout coûterait 0,10 francs à fabriquer, rien qu’en achat de matière première » si l’épandage agricole n’était pas réalisé avec cette méthode.

Mais l’urbanisation galopante des abords de la capitale ne permit bientôt plus de trouver des terres où épandre les eaux usées. C’est pourquoi, suite à ce premier galop d’essai, plusieurs stations d’épuration aux méthodes toujours plus rigoureuses seront installées au cœur de la capitale.  Aujourd’hui, près de 530 stations parsèment l’Île-de-France, pour une population de 11,6 millions d’habitants.

Séparer les réseaux

Les problèmes d’épuration réglés, les réseaux « unitaires » occasionnaient encore des pollutions non négligeables. En effet, ces canalisations intègrent à leur structure des « déversoirs d’orage », dont la fonction est de récupérer l’excédent transitant dans les réseaux en période de grosse pluie, pour le rejeter directement et sans aucun traitement vers le milieu naturel.

C’est en prenant conscience de ce problème que les agences de bassin ont initié la création des réseaux dit « séparatifs », scindant la collecte des eaux usées – dirigées vers la station d’épuration – de celle des eaux pluviales – évacuées vers le milieu naturel. « Outre ce problème de pollution, bon nombre de stations d’épuration, dont les capacités de stockage étaient sous-dimensionnées au regard du volume d’eau qu’elles avaient à traiter, ont accueilli favorablement le changement vers le séparatif, nous apprend Delphine Devin-Collgon, chef du service Assainissement et Relations aux Usagers ».

Si la séparativité des réseaux a été effectuée sur le territoire du SyAGE dès 1987, de fortes contraintes urbanistiques et financières n’ont pas permis cette transformation dans d’autres lieux. Paris, par exemple, a conservé son réseau unitaire. En effet la longueur de l’ensemble de ses conduits (2600 kilomètres), ainsi que leur proximité avec bon nombre d’immeubles et de monuments classés historiques, font partie des paramètres qui ont rendu impossible une transition vers le séparatif.

Ainsi, comme le dit Jean-Claude Deutsch, Professeur à l’école national des ponts et chaussées, « l’ensemble des paramètres qui sont en jeu (économiques, institutionnels, techniques, contrôle des branchements, mise en oeuvre de méthodes alternatives de stockage) ne facilite pas le choix [entre réseau unitaire et séparatif]. Ce qui semble à peu près acquis aujourd’hui, c’est que dans les centres-villes où le réseau unitaire existe depuis longtemps, il ne semble pas raisonnable d’envisager la transformation en réseau séparatif pour des raisons d’analyse coûts-avantages. Par contre, il faut bien maîtriser le fonctionnement des déversoirs d’orage de manière à minimiser l’impact des rejets directs. Dans les nouvelles urbanisations en amont, il faut plutôt se diriger vers un séparatif […] en portant une attention particulière au contrôle des branchements au moment de la construction et dans la durée ».

C’est pourquoi, au SyAGE, les services techniques effectuent régulièrement des contrôles de branchements chez les particuliers et les professionnels du territoire afin de vérifier leur bon raccordement au réseau séparatif, et offrent conseils et expertises en cas de non-conformité.

(http://le-blog-du-syage.org/une-petite-histoire-de-lassainissement/)

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avril 13, 2016

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