Cet instant bref et hésitant de sa vie, entre le commencement de la sagesse et le refus de cette sagesse qui, bien que fondée sur ce qu’il y a de moins pur en lui, est la condition de son admission dans la société des adultes », voici ce qui est raconté dans ce livre, voilà ce qu’il nous fait vivre.

FIN DE LA CRITIQUE

Nom du journaliste fumiste en petit à droite

Non,

le mieux est de donner la parole au héros, de lui permettre de s’introduire aux lecteurs de ce blog :

« Stephen Dedalus est mon nom,

L’Irlande est mon pays.

Clongowes est le lieu où je vis

Et le ciel porte mes espoirs. »

Dedalus oscille entre différentes voix que nous suivons au fil du récit. Il y en a qui aboutissent, d’autres pas. Mais l’important n’est-il pas de toutes les emprunter ces voies, de les écouter attentivement ces voix ? Stephen est un dédale, mais, de celui-ci, quelque chose s’élève, une certaine jouissance du langage. Celle-là même qui fait apprécier les mots, les mots, rien que les mots. Les mots font le monde, il n’y a rien sans les mots. Pour lui, comme pour Ionesco, « il n’y a que les mots qui comptent – le reste n’est que bavardage ».

C’est une fureur enfantine qui agite le jeune Dedalus. Il apprécie que « sa mère pose ses lèvres sur sa joue [et qu’elles fassent] un tout petit bruit : bi-sou », comme d’autres apprécieraient Racine, Sénèque, Homère !

Mais il n’y a pas que le langage qui soit source de jouissance chez l’homme, il y a aussi la religion. Stephen Dedalus est catholique irlandais et éduqué chez les religieux dans le plus pur respect du culte. Mais les protestants se moquent des litanies de la Sainte Vierge, quel culot ! Comment osent-ils, alors que cela procure aux catholiques la jouissance la plus parfaite ? Voilà qui est bizarre et qui introduit l’adolescent aux ambiguïtés inhérentes de la religion ? Pourquoi se battre pour savoir quels offices marquent plus de respect envers le Dieu créateur du Ciel et de la Terre, puisque tous prétendent le servir avec autant d’amour ? Pourquoi les prêtres chargés de son éducation font-ils preuve de tant de violences et d’injustices à son égard, alors que le Dieu tout-puissant n’est censé être que Justice, et que ses serviteurs doivent suivre son enseignement ? De la contradiction naît l’anxiété, le délire. Stephen fantasme sa mort et les trompettes du Jugement Dernier résonnent à ses oreilles durant ses nuits agitées.

Alors oui, il y a l’enseignement de St Thomas d’Aquin qu’il discute abondamment avec ses camarades de classe. Oui, il ne saurait nier que la Bible a d’une façon ou d’une autre façonné son esprit, puisqu’elle a été le creuset de son éducation. Aucun problème pour admettre qu’il y ait une beauté extraordinaire de la vie que la religion glorifie. Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi doit-on s’encombrer de ce satané pêché originel ? Ce qu’ont fait Adam et Eve au jardin d’Eden regarde uniquement Adam et Eve, et pas leurs descendants, non mais oh ! Progressivement, Dedalus s’aperçoit que « qui observe toute la Loi mais trébuche sur un point devient coupable en tout ». La grande ruse de la religion chrétienne est d’avoir mis en place le concept d’une dette infiniment repoussée que personne ne saura jamais combler. C’est de cette manière qu’elle contraint chaque petit paroissien à venir à l’église tous les dimanches matins. Joyce a lu Nietzsche et en a tiré les enseignements.

Repoussant alors avec vigueur et pour notre plus grand bonheur la voie du célibat et du sacerdoce, Dédalus choisira celle des filles et de l’écriture.

« J’ai essayé d’aimer Dieu, finit-il par dire. Il semble que j’ai échoué ».

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mai 9, 2013

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