Perrin Grimard, éditeur chez les éditions Vermifuge, m’a demandé d’écrire un texte en écho à la Théorie du Grand Rien de Pierlyce Arbaud.

 

La contrainte était de ne pas avoir lu le livre en question.

Ce qui est extrêmement simple puisque je ne suis qu’un Jean-Foutre.

Voilà donc, sous vos yeux ébaubis, mon écho à la Théorie du Grand Rien .

 

 

 

Ô Tchekhov, lis tes ratures !

 

La scène représente l’appartement d’une femme. Sur les murs sont accrochées des peintures de Brueghel. Un lit fait de plumes d’oie trône au centre de l’appartement. Sur ce lit, une couverture en poil de bête est négligemment jetée.

Pierlyçovitch Alexandrovitch Arbaudovitch entre dans l’appartement, par une porte située au fond. Il est vêtu d’une lourde chapka, et chaussé de bottes en fourrure. Il y a sur son visage une expression profonde, sincère, triste et paisible. Dans sa main, il tient un carnet.

Pierlyçovitch Alexandrovitch Arbaudovitch :

SOPHIA ! Ma chère, mon aimée, enfin ! Enfin…

Sophia, pensive, regardant par la fenêtre,

Que Moscou est belle, revêtue de sa blanche peau. Je voudrais enlacer toute la ville. Je le voudrais, vraiment.

Pierlyçovitch Alexandrovitch Arbaudovitch :

Ah, Madame, comme je vous comprends… Comme je vous sais gré de vous savoir jointe si intimement à mon être au point de partager mes pensées les plus simples et les plus sincères. Savez-vous, mon aimée, que si je ne revenais pas pour vous, je reviendrais pour elle (en disant cela, il pointe le doigt sur la ville se répandant derrière la fenêtre).

Sophia, s’éloignant de la fenêtre, tout en continuant à lui jeter des coups d’œil discrets :

Oh, mon cher, vos dernières paroles réveillent chez moi de très sombres pensées. Et le paysage prend tout à coup la forme de ce qui occupe mon esprit. (Elle s’arrête, perdue dans ses pensées, puis court vers la fenêtre et y colle son visage). Regardez ce flocon de neige ! Ne dirait-on pas… un stylo ?!

Ah, comme je souffre !

Pierlyçovitch Alexandrovitch Arbaudovitch :

Aimée, je ne sais que trop bien le dard qui torture votre âme. Mais, face à votre douleur, je suis impuissant… (Pierlyçovitch se dresse, et regarde vers le lointain, puis dit ) Le destin veut m’éloigner de ma très chère Russie, et de votre buste délicieux et opulent.

Sophia, les larmes aux yeux,

Cette Théorie, mon ami, cette Théorie… Ne peut-elle pas attendre ?

Pierlyçovitch Alexandrovitch Arbaudovitch, la miséricorde sur les lèvres :

Madame, je le voudrais bien. Mais elle est là. Elle se heurte aux portes du monde ; elle tambourine, elle appelle ! Le livre doit être écrit. Et — cela m’est apparu dans un rêve troublant la quiétude ma sieste matinale, il sera publié aux éditions Vermifuge, en France.

Sophia :

Moscou est bien pâle aujourd’hui. Moscou, Moscou, réveille-toi car ta vie t’appartient. Mais déjà, je vois Moscou mourante, déjà je la vois qui s’éloigne de ce monde…

Sophia devient blanche comme un certain tableau de Mondrian, et s’écroule sur le rebord de la fenêtre.

Pierlyçovitch Alexandrovitch Arbaudovitch, se précipitant vers elle :

Non Sophia, non ! Non ! Non ! Non ! Non ! Cette Théorie, elle vous a donc eu ! Non ! Non ! Non ! Me voilà, Dostoïevski !

Pierlyçovitch Alexandrovitch Arbaudovitch se redresse, époussette sa veste et dit d’une voix atone :

Très bien, très bien. Trèèèès bien, très bien. Je laverais ma culpabilité de vous savoir si déconfite en effectuant un fantastique pèlerinage entre ma mère la Russie et ma femme la France. J’y ajoute un défi, parbleu : j’écrirai la « Théorie du Grand Rien », en marchant de la Russie à la France. Oui, je le ferai, pour vous ma chérie, et pour les éditions Vermifuge !

Pierlyçovitch Alexandrovitch Arbaudovitch se drape d’un air noble et quitte l’appartement.

Sophia se relève, et dit, en regardant le public :

Tchekhov, pardonne-nous !

Puis elle retombe, vaincue.

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septembre 7, 2014

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